Il y avait bien d'autres groupes russes plus voisins de l'Europe et qui étaient, au début du XIIIe siècle, plus importants que la Souzdalie : l'un en Galicie, l'autre à Novgorod-la-Grande. Mais la Galicie se laissa envahir et annexer par les Polonais. Novgorod, après avoir eu 100'000 habitants et 300'000 sujets, après avoir envoyé ses pionniers audacieux jusqu'à la mer Blanche et en Sibérie, laissa les Allemands s'emparer des provinces baltiques et couper aux Russes le chemin de l'Occident. Ce fut une des causes de l'isolement funeste auquel les Russes furent si longtemps condamnés.
Une autre cause explique cet isolement : ce fut l'irruption d'une nouvelle et terrible vague d'envahisseurs venant d'Asie, des abords même de la Chine.
Ces inconnus étaient les Mongols, ou, comme on les appellera improprement, les Tatars.
Réunis par Gengis-Khan, entraînant avec eux des Turks et divers peuples finnois, ils s'étaient avancés jusquà la mer Noire. Là, en 1224, ils écrasaient les princes russes. Ils soumirent ainsi l'une après l'autre les principautés russes et brûlèrent les villes. En 1238, ils réapparaissaient sur la Volga, anéantissaient Moscou, Souzdal, Riazan, toute la Grande-Russie.
L'année suivante, ils faisaient subir le même sort à Kiev, à Tchernigov, à la Volhynie. Un brusque dégel sauva Novgorod, mais le grand-prince de Souzdalie fut battu et tué à la Sita (1238).Après avoir envahi la Hongrie, la Pologne, poussé jusqu'en Silésieet menacé l'Allemagne, ils se fixèrent en Russie, où l'Etat qu'ils fondèrent est connu sous le nom de Horde d'Or.
Le chef de ces envahisseurs, Batou, qui n'agissait que d'après les conseils du vieux général Souboutaï, établit sa tente d'or à Saraï, sur la Volga, là où se trouvera plus tard la ville de Tsarov.
Les Mongols de la Horde d'or avaient pour vassaux tous les princes du pays. Le prince de Novgorod, Alexandre Nevski, après de brillantes victoires sur les Suédois et les Allemands, dut se soumettre aux Mongols et payer tribut. Sous la domination de la Horde, la Russie fut complètement fermée à l'influence européenne.
Elle ignora la Réforme, la Renaissance. L'Europe oublia même son existence. Toute l'énergie des Russes était consacrée à préserver leur foi, leur culture, leur existence même. Dans cette triste et muette servitude allait se former obscurément et fortement la nationalité russe.