La troisième croisade, qui débuta en 1189 et s'acheva en 1192, est une série d’expéditions menées par Frédéric Barberousse, empereur germanique, Philippe Auguste, roi de France et Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre, dans le but de reprendre Jérusalem et la Terre sainte à Saladin.
Cette croisade a permis la reprise d’un certain nombre de ports de Terre sainte, mais n’a pas permis la reconquête de l’hinterland palestinien, ni la reprise de Jérusalem. Cependant, la libre circulation à Jérusalem fut autorisée aux pèlerins et marchands chrétiens.
Les campagnes de Richard Cœur de Lion Un accord conclu entre Saladin et les croisés prévoit la libération des défenseurs d’Acre contre le versement d’une rançon et la restitution de la Vraie Croix, perdue à Hattin. Mais Saladin fait traîner l’exécution de cet accord et l'impatient Richard Cœur de Lion ordonne le massacre des défenseurs (20 août 1191). Cette acte de barbarie, qui contraste avec les générosités de Saladin dans le passé, représente une grave faute pour Richard, car il le prive d’une monnaie d’échange, et renforce le sentiment anti-croisé parmi les musulmans. Par la suite, Saladin fait exécuter en représailles tous les chrétiens capturés au cours des combats suivants.
Richard et son allié le grand maître de l'ordre du Temple, Robert de Sablé entreprennent alors la reconquête du littoral palestinien entre Acre et Ascalon. Le 22 août, ils quittent Saint-Jean-d’Acre en direction de Caïffa (Caiphas). Dès leur sortie de la ville, l’armée est attaquée par Al-Adel, frère de Saladin, qui est repoussé avec difficulté. L’armée franque se réorganise en colonne serrée, opposant sa masse compacte aux harcèlements musulmans. Elle ne s’encombre pas de bagages et ne s’écarte pas de la côte, l’intendance étant assurée par la flotte. Les armures, la discipline résistent sans problème à la mobilité des Sarrasins, et les croisés atteignent et prennent sans encombre Caïffa, évacuée la veille par sa garnison. L’armée continue le long de la côte, tandis que Saladin fait détruire les différentes forteresses, pratiquant ainsi la politique de la terre brûlée. Les croisés arrivent en vue d'Arsouf le 5 septembre, où l’attend l’armée de Saladin. Bataille d'Arsouf d'Eloi Firmin Féron (1802-1876).
Article détaillé : Bataille d'Arsouf. Le combat est engagé le 7 septembre 1191. L’armée croisée, assaillie par les troupes de Saladin, tient la position sans céder aux ruses turques et notamment à celle de la fuite simulée. Les cavaliers musulmans sont incapables d’entamer les rangs compacts des chevaliers bardés d’armures. Bien que Richard avait ensuite prévu un mouvement tournant qui aurait pu anéantir l'armée de Saladin, l'impatience de quelques chevaliers et Hospitaliers déclenche prématurément une charge simple qui ne fait que disperser les troupes musulmanes.
Saladin veut alors défendre Ascalon, mais ses émirs s’y refusent, et il doit abandonner la ville le 23 septembre 1191 après l’avoir fait complètement démolir. Il se dirige vers Jérusalem en faisant également raser Ramla. Pendant ce temps, Richard Cœur de Lion entreprend de faire reconstruire Jaffa, commettant une erreur stratégique, car il aurait pu alors s’emparer de Jérusalem, dont les fortifications, délabrées depuis le siège de 1187, ne permettaient pas la défense, ou surprendre l’armée ayyoubide pendant les travaux de démolition d’Ascalon.
Les reconquêtes chrétiennes de la troisième croisade.
En octobre 1191, Jaffa redevient une puissante place forte, mais le moral de l’armée croisée, restée inactive, a baissé. Richard entreprend des négociations avec Saladin, par l’intermédiaire d’Onfroy IV de Toron, qui parle l’arabe, et d’Al-Adel, le frère de Saladin. Mais Saladin, voyant le moral de l’armée de son adversaire, n’accorde que le littoral et refuse de rendre Jérusalem. Richard Cœur de Lion décide de marcher sur Jérusalem et met à plusieurs reprises des avant-gardes musulmanes en déroute. La période n’est pas vraiment favorable, car les pluies inondent l’armée qui chemine dans la boue et trouve la plupart des forteresses démantelées, les privant d’abris. L’armée arrive le jour de Noël à Betenoble (Beit Nuba) près de Latroun, à une vingtaine de kilomètres de la ville sainte, mais Richard hésite alors à continuer. Toutes les hésitations de Richard permettent à Saladin de fortifier la ville pendant l’automne 1191. Les barons syriens, les Templiers et les Hospitaliers font valoir que Saladin peut intercepter les convois de ravitaillement à tout moment et isoler l’armée. Ils considèrent que même si Jérusalem est facilement prenable, elle sera difficilement défendable, car la plupart des croisés ne pensent pas s’installer en Terre sainte. Rares sont ceux qui pensent s’installer dans le royaume, et les populations chrétiennes estiment qu’il n’est pas possible de coloniser l’arrière pays dans une nouvelle immigration d’une population européenne. Aussi les croisés quittent-ils Betenoble le 13 janvier 1192 pour se replier sur Ibelin.
Trêve et reconstruction du royaume.
Richard Cœur de Lion, ayant beaucoup appris sur la situation politique syrienne depuis le massacre de Saint-Jean-d’Acre, entame des négociations avant la campagne à Betenoble. Voulant gagner du temps, Saladin charge son frère Al-Adel des pourparlers. Il est même envisager de marier Al-Adel avec Jeanne d’Angleterre, sœur du roi Richard et de donner le royaume de Jérusalem aux époux, mais ce projet échoue en raison du refus de Jeanne. Malgré ce désaccord et l’incursion à proximité de Jérusalem, une amitié se noue entre Richard et Al-Adel, et peu à peu se dessine l’idée d’un partage de la Palestine, la possession du littoral étant reconnue aux chrétiens, et celle de l’hinterland à Saladin. Les croisés occupent et reconstruisent Ascalon au printemps 1192.
Les hostilités cessent pendant le printemps 1192, car l’antagonisme entre Guy de Lusignan et Conrad de Montferrat se réveille et les barons syriens et croisés se rendent compte que le compromis de Saint-Jean-d’Acre est inapplicable. Richard finit par résoudre le litige en vendant l’île de Chypre à Guy de Lusignan qui en devient le souverain et en acceptant Conrad de Montferrat comme roi de Jérusalem. Le 28 avril 1192, Conrad est assassiné, et les barons choisissent pour roi Henri II de Champagne qui épouse Isabelle, la veuve de Conrad.
Reprise des hostilités
Saladin à l'assaut de Jaffa (Manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal).
Richard reçoit alors des nouvelles inquiétantes d’Europe. Il apprend que Philippe Auguste cherche à s’emparer d’une partie de ses possessions dans l’ouest de la France, et que son frère Jean sans Terre se révolte. Le 24 mai 1192, tous les croisés se regroupent à Ascalon et persuadent Richard de conduire l’armée sur Jérusalem, alors que ce dernier songe à rentrer en Europe. La troupe quitte Ascalon le 7 juin et arrive peu après à Qalandiya, en vue de Jérusalem. Richard y installe son camp mais hésite à attaquer Jérusalem, laissant à l’armée ayyoubide le temps de se ressaisir. Finalement, Richard décide de battre en retraite, au grand mécontentement des croisés. Au retour, après avoir surpris et pillé une importante caravane égyptienne, il rentre sur Ramla où le nouveau roi Henri II de Champagne le rejoint. Il envisage encore d’attaquer Jérusalem, mais s’y refuse à nouveau. Les croisés apprendront plus alors que les dissensions entre les troupes kurdes et turques menaient la garnison de Jérusalem au bord de la mutinerie, et que la prise de la ville aurait été aisée.
Le 31 juillet, Saladin contre-attaque sur Jaffa et prend la ville basse, mais Richard intervient avec sa flotte et le bat à deux reprises, les 1er et 5 août.
Traité de paix entre Richard et Saladin
Le retour de Richard Cœur de Lion de Terre sainte d'Alphonse de Neuville (1835-1885)
Les négociations continuent avec comme ébauche d’accord la possession du littoral aux chrétiens et celle de l’hinterland à Saladin, mais le point de désaccord qui reste concerne les forteresse de Gaza, Ascalon et Daron, que Saladin juge menaçantes pour l’Égypte et le Sinaï. En effet, ce territoire de faible largeur proche du royaume de Jérusalem constitue le point faible de l’État ayyoubide, car si les chrétiens l’occupaient, ils couperaient les communications entre l’Egypte et la Syrie. Pressé de rentrer en Europe, Richard cède, mais obtient pour les pèlerins chrétiens le libre accès à Jérusalem sans taxes, ainsi que la libre circulation des marchands des deux confessions à l'intérieur de la ville. Le traité est conclu le 2 septembre 1192. Richard quitte la Terre sainte le 9 octobre pour revenir en Occident.
Les États latins d'Orient en sursis
Les succès de la troisième croisade, la prise de Saint-Jean-d’Acre, la reconquête d’une partie du littoral, qui sera complétée par les règnes d’Henri II de Champagne et d’Amaury II de Lusignan ont assuré aux États latins d’Orient, au bord de l’anéantissement en 1189, une survie d’un siècle. Mais plusieurs constats sont à faire à propos de l’avenir de ces colonies latines en Orient.
Le premier est que les barons syriens se jugent en effectif insuffisant, après l’hécatombe de Hattin, pour contrôler et dominer le territoire complet de l’ancien royaume de Jérusalem, et constatent que peu de croisés ont le projet de s’installer en Orient. Au cours des décennies suivantes, cet état de fait va s’aggraver avec le détournement de la quatrième croisade sur Byzance et l’organisation de la croisade des Albigeois, qui vont détourner un certain nombre de croisés de l’Orient. Cette faiblesse numérique va inciter les nobles d’Orient à se consacrer sur le littoral en abandonnant l’hinterland aux musulmans. La richesse économique du royaume ne va plus tirer son origine des domaines fonciers mais du commerce, faisant du royaume de Jérusalem un état maritime et commerçant, dépendant économiquement des républiques italiennes (Venise, Gênes et Pise) et lui faisant perdre sa vocation militaire.
Le second constat est que la rivalité pour le pouvoir entre Guy de Lusignan et Conrad de Montferrat créa un précédent pour le royaume : l’arbitrage de la succession fut réglée par un souverain européen et étranger au royaume alors que précédemment c’étaient les barons du royaume qui désignaient leur roi. De plus en plus souvent le roi sera ensuite un souverain désigné par une cour européenne, et le royaume de Jérusalem, dominé économiquement par les républiques italiennes, le sera politiquement par les cours européennes. Le troisième constat est que le maintien des chrétiens en Terre sainte n’a pas seulement dépendu des armes, mais aussi de la diplomatie. L’amitié entre Richard Cœur de Lion et Al-Adel annonce celle de Frédéric II de Hohenstaufen avec Al-Kamel, qui permettra la restitution de Jérusalem aux chrétiens en 1229. Jusqu’en 1250, les relations entre croisés et musulmans seront sous le signe des négociations, malgré l’arrivée de plusieurs croisades.
Un territoire de repli : le royaume de Chypre
La conquête de Chypre par le roi d’Angleterre est un acte totalement imprévu au regard des objectifs de la croisade. L’installation de Guy de Lusignan comme souverain permet la création d’un nouvel État latin en Orient dont le caractère insulaire prépare à servir de refuge face aux reconquêtes mamelouks à la fin du XIIIe siècle. Mais cette situation présente deux inconvénients de taille :
- d’une part, pour contrôler l’île, peuplée par une population grecque et orthodoxe qui s’est déjà révoltée contre les Templiers en 1191, il faut y installer des troupes et des chevaliers, ce qui aggrave le dépeuplement de la Palestine.
- d’autre part, les barons possessionnés à Chypre seront de plus en plus réticents à intervenir militairement en Palestine. Ils préféreront jouir de leurs domaines chypriotes plutôt que de passer leur temps à défendre leurs domaines syriens. En 1273, une grande partie de la noblesse chypriote refusera même de suivre le roi Hugues III de Chypre, affirmant que le service militaire n’est dû au roi qu’à l’intérieur du royaume.
Fondation de l'ordre Teutonique
Un certain nombre de chevaliers germaniques qui restent en Terre sainte après la croisade rejoignent une fraction de l’ordre de Saint-Jean déjà composée de chevaliers germaniques. Cette fraction devient alors si importante au sein de l’ordre qu’elle s’en sépare pour former l’ordre Teutonique. Appelé par Conrad de Mazovie, les chevaliers teutoniques quittent progressivement la Terre sainte pour rejoindre les abords de la mer Baltique et évangéliser les pays baltes au cours des croisades baltes.
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